L'intervention révèle une organisation de la production fortement basée sur l'autonomie : chaque ouvrier réalise en totalité le travail d'usinage et d'assemblage, travaillant à son rythme et à sa façon. Dans l'atelier, on doit être capable de tout faire et, en tout cas, de se débrouiller. Ce fonctionnement, qui semble convenir aux plus anciens – compétents et expérimentés – déstabilise les nouveaux salariés, qui ont peur de se tromper (et donc de gâcher la pièce) ou de retarder les autres en leur demandant un coup de main. Dans cette entreprise, l'intégration est basée sur l'implicite et l'informel : le nouveau, bien que soutenu par un tuteur, doit apprendre par lui-même, en posant des questions et en regardant faire les autres. La culture professionnelle est ici celle de l'entreprise artisanale où l'on a “ tout dans la tête et dans les mains ”. Mais l'intégration se passerait mieux si elle reposait sur des règles plus explicites et formalisées, si le tuteur et le salarié essayaient d'identifier les difficultés d'apprentissage, de définir des progressions pédagogiques, de hiérarchiser les étapes, de repérer les savoir-faire, de former aux bonnes pratiques, etc. Quelques orientations sont proposées par l'ARACT, dont celles-ci : concevoir des postes de travail plus simples afin de faciliter l'intégration de “ non-menuisiers ” ; clarifier et formaliser les “ bonnes pratiques ”, les procédures et l'organisation du travail comme une réponse à l'augmentation du nombre de salariés ; profiter du nécessaire agrandissement de l'atelier pour aménager et optimiser au mieux les postes de travail. Il ne s'agit pas seulement pour l'entreprise de parvenir à pérenniser sa main d'œuvre, elle doit aussi faire évoluer son organisation pour faire face au développement de son activité. Comment dès lors améliorer le processus d'intégration des nouveaux tout en optimisant l'activité de production ? Pour l'ARACT, il est indispensable d'associer les salariés de la production à la réflexion sur la nouvelle organisation. Puisqu'il s'agit de “ mettre à plat ” les modes opératoires, la prise en compte du point de vue des opérateurs s'avère indispensable. Par ailleurs, les associer est le meilleur moyen d'éviter que les anciens ne voient dans la formalisation de ce qui allait de soi une atteinte à leur autonomie et ne partent. « Ici, dit le chef d'atelier, on a grossi vite. Mais si cela devient l'usine, il y a 80 % des menuisiers qui partent ! » Concrètement, l'intervenant de l'ARACT suggère à l'entreprise d'opter pour une « formation-action ». Les salariés de production pourraient participer toutes les deux ou trois semaines à des sessions de formation de 3 à 4 heures, animées par un intervenant extérieur et s'étalant sur plusieurs mois. En travaillant à la résolution des problèmes quotidiens, ils pourraient développer des compétences collectives (concertation, coopération), acquérir une meilleure connaissance de l'organisation et développer de nouveaux savoir-faire. Parallèlement, les solutions élaborées, expérimentées et « appropriées » par les opérateurs feraient progressivement évoluer l'organisation du travail.