L’intelligence artificielle (IA) transforme en profondeur le monde du travail. Si elle apporte des gains de productivité et de nouvelles opportunités, elle représente également un défi majeur pour l’emploi. L’automatisation, la transformation des métiers et la concentration du pouvoir économique sont autant de risques qu’il est essentiel d’anticiper.
Si l’IA promet une augmentation de la productivité et l’automatisation de nombreuses tâches, elle soulève également des inquiétudes majeures quant à son impact sur l’emploi.
L’intelligence artificielle générative (IAG) transformera-t-elle le quotidien des salariés en réduisant les tâches répétitives et en allégeant leur charge de travail ? Ou, au contraire, risque-t-elle de détériorer leurs conditions de travail en renforçant la surveillance et en les privant d’une partie de leurs compétences ? Quels sont les risques associés à cette révolution technologique ?
Les risques liés à l’automatisation et la suppression d’emplois
L’un des risques majeurs de l’intelligence artificielle est l’automatisation des tâches répétitives et analytiques, qui remet en question de nombreux emplois traditionnellement occupés par des humains. Cette transformation concerne principalement les secteurs de la production industrielle, de la logistique, du commerce de détail et des services administratifs, où l’IA et la robotisation permettent d’exécuter des opérations plus rapidement, avec moins d’erreurs et à moindre coût.
Dans l’industrie manufacturière, les chaînes de production intègrent de plus en plus de robots capables d’assembler des produits avec une précision et une rapidité supérieure à celles des travailleurs humains. Cette évolution entraîne la suppression de nombreux postes peu qualifiés, bien que de nouveaux emplois plus techniques émergent pour programmer et entretenir ces machines.
Le secteur de la logistique est également en pleine mutation. Les entrepôts automatisés, comme ceux d’Amazon ou d’autres grandes plateformes de e-commerce, utilisent des robots pour trier, stocker et déplacer les marchandises, réduisant ainsi le besoin de main-d’œuvre humaine. Cette automatisation optimise les délais de livraison, mais fragilise l’emploi des préparateurs de commandes et des magasiniers, souvent soumis à des conditions de travail déjà précaires.
Dans le commerce de détail, les caisses automatiques et les systèmes de paiement intelligents remplacent progressivement les caissiers. De plus, l’essor des algorithmes de recommandation et du commerce en ligne transforme le rôle des vendeurs, qui doivent s’adapter à une clientèle de plus en plus habituée aux expériences d’achat automatisées et personnalisées.
Enfin, dans les services administratifs, l’IA simplifie le traitement des documents, la gestion comptable et la relation client grâce à des chatbots, des logiciels de reconnaissance vocale et des outils d’analyse de données avancés. De nombreuses tâches auparavant réalisées par des employés de bureau sont désormais confiées à des systèmes intelligents, ce qui réduit la demande en personnel administratif traditionnel.
Certaines études indiquent que des millions de postes
pourraient disparaître dans les prochaines décennies. Selon le rapport
du CEET (mars 2024), l’IA menace surtout les emplois intermédiaires,
renforçant ainsi la polarisation du marché du travail.
La transformation des métiers et la polarisation du marché du travail
L’IA ne se contente pas de supprimer des emplois ; elle modifie en profondeur la nature de nombreux métiers existants. Avec son essor, les compétences requises sur le marché du travail évoluent rapidement, forçant les travailleurs et les entreprises à s’adapter. Ce bouleversement touche particulièrement les emplois intermédiaires, qui sont les plus menacés par l’automatisation et la numérisation des tâches.
Quelle place pour l’IA aux côtés des humains ?
L’intégration de l’IA dans les entreprises se fait souvent de manière imposée, sans réelle concertation avec les professionnels concernés. Cela entraîne une dégradation des conditions de travail et remet en cause leur expertise.
Avec l’intelligence artificielle générative (IAG), la
véritable question ne porte pas tant sur un remplacement massif des
travailleurs par des « machines à penser », mais plutôt sur la manière
dont cette cohabitation sera organisée et sur la nature des nouveaux
emplois qui émergeront.
Deux grandes catégories d’emplois connaissent un développement
significatif :
1. Les emplois hautement qualifiés liés à l’IA et aux nouvelles technologies
Le développement de l’IA génère une demande croissante pour des profils spécialisés dans la conception, la maintenance et l’amélioration des systèmes intelligents. Les ingénieurs en intelligence artificielle, les data scientists, les experts en cybersécurité et les spécialistes en éthique de l’IA deviennent indispensables pour encadrer et exploiter ces technologies de manière efficace et responsable. Ces métiers nécessitent des compétences avancées en mathématiques, en programmation et en gestion des données, ainsi qu’une compréhension approfondie des implications sociétales et éthiques de l’IA.
Par ailleurs, l’essor de l’IA s’accompagne d’un besoin accru en professions de conseil et de gestion. Les entreprises doivent adapter leurs stratégies à cette nouvelle ère numérique, ce qui renforce le rôle des analystes en transformation digitale, des consultants en innovation et des experts en réglementation technologique. Ces professionnels aident les organisations à intégrer l’IA de manière optimale tout en garantissant une transition respectueuse des valeurs humaines et des cadres légaux.
2. Les emplois nécessitant une forte dimension humaine et créative
À l’inverse des métiers automatisables, certaines professions reposant sur des compétences relationnelles, émotionnelles ou créatives restent difficilement remplaçables par l’IA. Les emplois dans les secteurs de la santé, de l’éducation, de l’accompagnement social et de la culture conservent une importance capitale. Les enseignants, les psychologues, les travailleurs sociaux et les soignants continueront d’être essentiels, car leur rôle repose sur l’écoute, l’empathie et l’adaptabilité à des situations complexes que l’IA ne peut pleinement appréhender.
Dans le domaine de la création, les métiers artistiques, du
design et du marketing évoluent en intégrant l’IA comme un outil d’aide à
l’inspiration et à la production. Les créateurs de contenu, les
réalisateurs, les concepteurs de jeux vidéo et les designers graphiques
doivent apprendre à collaborer avec ces technologies pour enrichir leur
travail sans en perdre le contrôle. L’humain doit rester au cœur du
processus, l’IA servant à amplifier les capacités créatives plutôt qu’à
les remplacer.
Le risque de la précarisation et de l’augmentation des inégalités
L’intelligence artificielle, si elle n’est pas encadrée par des politiques adaptées, risque d’exacerber les inégalités économiques et sociales, comme l’a souligné le Conseil économique, social et environnemental (CESE) dans son rapport de janvier 2025 sur les effets de l’IA sur le travail et l’emploi. L’automatisation, la concentration du pouvoir économique et les biais algorithmiques pourraient fragiliser certaines catégories de travailleurs, creuser l’écart entre les plus qualifiés et les plus précaires, et favoriser une répartition inégale des richesses.
Un risque d’exclusion du marché du travail pour les plus vulnérables
L’IA transforme la nature des emplois, favorisant les professions nécessitant des compétences technologiques avancées tout en menaçant les postes les plus répétitifs et intermédiaires. Cette mutation risque de précariser des millions de travailleurs, en particulier ceux dont les compétences sont plus difficiles à adapter aux nouvelles exigences du marché du travail.
• Automatisation des tâches peu qualifiées : Les travailleurs exerçant des métiers manuels ou administratifs sont les plus menacés par l’automatisation. Dans les secteurs de la logistique, de la comptabilité, du service client ou encore de la production industrielle, l’IA permet aux entreprises de remplacer une partie de leur main-d’œuvre par des algorithmes ou des robots.
• Valorisation des compétences numériques : À l’inverse, les emplois hautement qualifiés, notamment ceux liés à la conception et à la gestion de l’IA, deviennent plus prisés et mieux rémunérés, creusant un écart avec les professions plus traditionnelles. Ceux qui maîtrisent ces technologies bénéficient d’opportunités accrues, tandis que les autres risquent une marginalisation croissante.
• Un marché du travail polarisé : Cette situation accentue le phénomène de bipolarisation du marché de l’emploi, avec d’un côté des emplois hautement qualifiés et bien rémunérés, et de l’autre des postes précaires, sous-payés et peu valorisés.
L’amplification des biais algorithmiques : un facteur d’injustice sociale
L’un des principaux dangers de l’IA réside dans les biais algorithmiques, qui peuvent reproduire voire aggraver les discriminations existantes en matière d’emploi. Les systèmes d’IA sont entraînés sur des données historiques, souvent marquées par des inégalités structurelles, et peuvent donc intégrer ces biais dans leurs prises de décision.
• Recrutement biaisé : Des études ont montré que certains algorithmes de recrutement favorisent les profils masculins ou issus de milieux privilégiés, car ils sont entraînés sur des bases de données où ces catégories sont historiquement surreprésentées dans les postes à responsabilité. Un cas célèbre concerne un algorithme utilisé par Amazon qui discriminait involontairement les candidatures féminines pour des postes techniques.
• Inégalités dans les promotions et évaluations : Si les entreprises utilisent des systèmes d’IA pour évaluer la performance des employés, ces algorithmes peuvent également pénaliser injustement certains profils. Par exemple, un employé qui adopte une méthode de travail différente des critères prédéfinis par l’IA pourrait être jugé moins performant, même si son approche est tout aussi efficace.
• Automatisation des décisions de licenciement : Certaines entreprises commencent à utiliser des algorithmes pour recommander ou prendre des décisions en matière de licenciement, souvent sur la base de critères quantitatifs tels que la productivité. Cela peut conduire à des injustices, car ces systèmes ne prennent pas en compte les réalités humaines et les efforts invisibles des travailleurs (entraide, créativité, flexibilité).
Un impact territorial et générationnel inégal
L’IA risque également de creuser les inégalités entre les territoires et les générations :
• Des territoires délaissés : Les grandes métropoles concentrent les opportunités liées à l’intelligence artificielle, tandis que les zones rurales ou les villes moyennes, où l’économie repose davantage sur des emplois automatisables, pourraient voir leur tissu économique fragilisé.
• Une fracture générationnelle : Les jeunes générations, plus à l’aise avec les outils numériques, sont mieux préparées à s’adapter à un marché du travail dominé par l’IA. En revanche, les travailleurs plus âgés, dont les compétences sont parfois obsolètes face aux nouvelles exigences technologiques, risquent d’être davantage exposés au chômage ou à la précarisation.
Cette polarisation du marché du travail renforce les inégalités économiques et sociales, rendant indispensable la formation continue et la reconversion professionnelle. Le rapport du LaborIA Explorer (mai 2024) souligne que la réussite de cette transition dépendra des efforts en formation et en reconversion.
La surveillance des travailleurs et la déshumanisation du travail
L’intelligence artificielle est de plus en plus utilisée pour surveiller et évaluer les performances des employés, transformant en profondeur la gestion du travail au sein des entreprises. Grâce aux outils de gestion algorithmique, les employeurs peuvent désormais suivre en temps réel la productivité des travailleurs, analyser leurs comportements et mesurer leur efficacité avec une précision inédite. Si ces technologies promettent une meilleure optimisation des processus et une amélioration de la performance globale, elles soulèvent également de nombreuses inquiétudes quant à la déshumanisation du travail et à l’augmentation de la pression sur les salariés.
Une surveillance accrue et omniprésente
Les logiciels d’analyse de productivité et les systèmes d’intelligence artificielle sont capables de collecter et de traiter une quantité massive de données sur le comportement des employés. Dans les bureaux, ces outils peuvent suivre le temps passé sur chaque tâche, le nombre d’e-mails envoyés, la vitesse de frappe ou encore le rythme des interactions avec les clients. Dans les entrepôts et les usines, des caméras intelligentes et des capteurs analysent les déplacements des travailleurs, leur cadence de travail et leur respect des procédures. Certains géants du commerce et de la logistique, comme Amazon, utilisent des capteurs et des algorithmes pour surveiller la performance de ses employés dans les entrepôts.
Entre optimisation et pression excessive
Si ces outils permettent d’identifier des axes d’amélioration et d’offrir un retour plus précis sur les performances, ils risquent également d’introduire une culture du contrôle permanent. La surveillance algorithmique peut engendrer une pression constante sur les employés, qui se sentent évalués en continu, parfois sans réelle possibilité de dialogue ou de contestation. Cette situation peut provoquer une augmentation du stress, une détérioration des conditions de travail et un sentiment de perte d’autonomie.
Par ailleurs, les décisions prises par ces systèmes sont souvent opaques. Les algorithmes d’évaluation ne tiennent pas toujours compte des réalités humaines, des imprévus ou des efforts qualitatifs qui ne sont pas facilement mesurables en chiffres. Par exemple, un employé prenant le temps d’aider un collègue ou de résoudre un problème complexe pourrait voir sa productivité chuter selon l’algorithme, alors même que son travail bénéficie à l’entreprise sur le long terme.
Une déshumanisation du management
L’un des principaux risques de cette automatisation de l’évaluation est la déshumanisation progressive du management. Traditionnellement, les performances d’un employé sont évaluées par des responsables qui prennent en compte non seulement des critères quantitatifs, mais aussi des aspects qualitatifs tels que l’esprit d’équipe, la créativité ou la gestion du stress. Avec l’IA, ces aspects humains peuvent être négligés au profit d’une approche strictement métrique et impersonnelle.
Dans certains cas, les algorithmes sont même utilisés pour automatiser des décisions disciplinaires, allant jusqu’à recommander des licenciements sur la base de critères de performance. Des chauffeurs Uber ou des livreurs de plateformes de livraison ont déjà été désactivés de leurs applications après avoir été jugés insuffisamment performants par un algorithme, sans possibilité d’explication ni de recours.
Le rapport du CESE (2025) et le rapport du
LaborIA Explorer (2024) alertent sur ces pratiques et recommandent
une régulation stricte pour éviter les abus.
La concentration du pouvoir économique : un risque majeur de l’IA
L’intelligence artificielle est aujourd’hui dominée par un petit nombre de grandes entreprises technologiques, ce qui entraîne une centralisation du pouvoir économique et une inégalité croissante dans l’accès aux ressources numériques. Les entreprises qui développent et exploitent l’IA, principalement les géants de la tech tels que Google, OpenAI, Amazon, Microsoft et Meta, concentrent une part majeure des investissements, des infrastructures et des innovations en intelligence artificielle. Cette domination leur confère un avantage considérable sur le reste du marché, limitant les opportunités pour les PME, les startups et les travailleurs indépendants.
Un monopole technologique et financier
Ces grandes entreprises possèdent des moyens financiers colossaux leur permettant de monopoliser l’innovation en IA. Elles investissent des milliards de dollars dans la recherche et le développement, recrutent les meilleurs talents mondiaux et acquièrent des startups prometteuses avant même qu’elles ne deviennent des concurrents sérieux. Par exemple, Microsoft a investi massivement dans OpenAI, rendant l’accès à certaines technologies avancées d’IA quasiment exclusif à son propre écosystème.
En parallèle, ces entreprises contrôlent également les infrastructures essentielles à l’intelligence artificielle, notamment les centres de données, les supercalculateurs et les plateformes cloud comme AWS (Amazon Web Services), Google Cloud et Microsoft Azure. Cela signifie que même les entreprises souhaitant développer leur propre IA doivent souvent s’appuyer sur les services de ces géants, les rendant dépendantes de leurs conditions tarifaires et stratégiques.
Un frein à l’innovation pour les petites entreprises et les indépendants
La concentration du pouvoir économique dans les mains de quelques acteurs limite fortement la capacité des plus petites entreprises à innover et à se développer. Contrairement aux géants de la tech qui bénéficient d’un accès privilégié aux ressources informatiques et aux données massives nécessaires pour entraîner des modèles d’IA, les startups et les PME peinent à rivaliser.
• Coût des infrastructures : Former un modèle d’intelligence artificielle avancé nécessite des capacités de calcul extrêmement coûteuses, accessibles principalement aux grandes entreprises.
• Accès aux données : L’IA repose sur l’apprentissage à partir de données massives, or ces données sont souvent captées et exploitées par les grandes plateformes numériques, réduisant les possibilités pour les plus petits acteurs.
• Barrières à l’entrée : Même lorsqu’une startup parvient à développer une innovation, elle se retrouve souvent face à un dilemme : soit elle se fait racheter par un géant de la tech, soit elle doit lutter pour exister sur un marché dominé par des entreprises disposant de ressources quasi illimitées.
Cette concentration du marché freine l’émergence d’alternatives et réduit la diversité des modèles économiques basés sur l’IA.
Un risque de contrôle des marchés et des décisions économiques
Avec leur position dominante, ces grandes entreprises technologiques influencent de plus en plus les décisions économiques et politiques. Elles établissent leurs propres règles du jeu, parfois au détriment de l’intérêt collectif.
• Influence sur la régulation : Les géants de la tech disposent de puissants réseaux de lobbying leur permettant d’influencer la réglementation sur l’IA. Ils participent activement aux discussions législatives et peuvent freiner l’adoption de régulations qui limiteraient leur expansion.
• Pouvoir
sur les entreprises clientes : De nombreuses entreprises, y compris
des secteurs traditionnels comme la finance, la santé ou l’industrie,
dépendent des services d’IA fournis par ces grandes entreprises. Cette
dépendance les expose à des changements tarifaires, des restrictions
d’accès ou des modifications de conditions d’utilisation imposées
unilatéralement.
Des alternatives aux géants de la tech
Face à l'essor rapide de l'intelligence artificielle (IA) et à la nouvelle l'offensive technologique des États-Unis sous la présidence de Donald Trump, soutenue par des figures emblématiques du numérique telles qu'Elon Musk et Mark Zuckerberg, l'Union européenne (UE) est confrontée à un défi majeur : encadrer le développement de l'IA tout en affirmant son propre modèle basé sur ses valeurs fondamentales.
A l’issu du Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle (IA) qui s’est tenu à Paris les 10 et 11 février 2025, neuf pays, dont la France, se sont associés à des dirigeants du secteur technologique pour lancer une initiative baptisée « Current AI ». Cette initiative vise à développer des systèmes d'intelligence artificielle (IA) d'intérêt général en Europe.
Afin d’exister face aux géants américains sans renforcer la régulation, ces acteurs soutiennent le développement de l’IA « ouverte », c’est-à-dire accessible gratuitement et modifiable par les développeurs et les entreprises.
Cette collaboration réunit des États, des entreprises et des organisations philanthropiques, notamment américaines, avec l'objectif de lever jusqu'à 2,5 milliards d'euros sur les cinq prochaines années pour financer des projets d'IA.
La France a déjà annoncé un investissement de 400 millions d'euros dans cette initiative, démontrant son engagement à renforcer sa position dans le domaine de l'IA.
Le président Emmanuel Macron a souligné l'importance de simplifier les processus réglementaires et d'investir massivement dans l'IA pour concurrencer les États-Unis et la Chine. Il a également appelé à une coopération européenne accrue et à une stratégie unifiée pour le développement de l'IA.
Parallèlement, l'Union européenne a annoncé une initiative d'investissement de 200 milliards d'euros dans l'IA, comprenant 50 milliards d'euros de fonds publics et 150 milliards d'euros d'investissements privés, dans le but de rivaliser avec les États-Unis et la Chine. Ces fonds seront utilisés pour développer des « gigafactories » dédiées à l'entraînement de modèles d'IA complexes.
L'initiative « Current AI » vise à diversifier le marché de l'IA en Europe et à promouvoir l'innovation à l'échelle mondiale, tout en garantissant une approche éthique et responsable du développement de ces technologies.
Créer une « troisième voie » européenne
Mme Tordeux Bitker, représentante du Conseil économique, social et environnemental (CESE), a affirmé que l'Union européenne ne doit pas renoncer à promouvoir une « troisième voie » entre les modèles américain et chinois, en développant une innovation technologique qui respecte les valeurs européennes. Cette position souligne l'importance pour l'UE de définir un cadre éthique et réglementaire propre, garantissant que le déploiement de l'IA serve l'intérêt général et protège les droits des citoyens.
Un défi majeur pour l’emploi
L’intelligence artificielle représente un défi majeur pour l’emploi, avec des risques significatifs de suppression de postes, de précarisation et de concentration du pouvoir. Cependant, une transition bien gérée, appuyée par des politiques publiques et des initiatives de formation, pourrait permettre d’exploiter les opportunités de l’IA tout en limitant ses impacts négatifs.
Pour atténuer les risques, plusieurs recommandations et solutions sont avancées dans les principaux rapports sur l’IA :
• Former et
reconvertir les travailleurs : Un investissement massif dans la
formation est nécessaire pour éviter un déclassement massif des employés.
• Encadrer l’IA par la régulation : Mettre en
place des lois pour garantir une utilisation éthique et équitable de l’IA.
• Encourager une IA responsable : Développer des
algorithmes plus transparents et inclusifs pour éviter les biais et
discriminations.
• Répartir les gains de productivité : Instaurer
des mécanismes comme un revenu universel ou une taxation des entreprises
bénéficiant de l’IA pour financer la transition.
L’avenir du travail dans un monde dominé par l’IA ne doit pas être envisagé sous un prisme fataliste, mais comme une transformation nécessitant anticipation et régulation. Si l’automatisation et l’IA générative risquent d’éroder certains métiers, elles ouvrent également la voie à de nouvelles formes d’emploi, notamment dans les domaines de la gestion des données, de la cybersécurité, de la maintenance des systèmes d’IA et de l’éthique numérique. L’enjeu principal réside donc dans l’accompagnement des travailleurs vers ces nouvelles opportunités par des programmes de reconversion efficaces et accessibles.
Le rôle des pouvoirs publics est crucial pour encadrer cette mutation. La mise en place de réglementations adaptées, garantissant des conditions de travail équitables et une répartition juste des gains de productivité générés par l’IA, doit être une priorité. Face aux risques de l’IA, il devient essentiel de mettre en place un cadre réglementaire garantissant un usage éthique et responsable de l’IA dans l’évaluation du travail. Certaines législations, comme le Règlement européen sur l'intelligence artificielle (AI Act), cherchent à encadrer l’usage des algorithmes de surveillance et à renforcer la transparence des décisions automatisées.
Enfin, les entreprises ont également un rôle clé à jouer dans cette transition. L’intégration de l’IA ne doit pas être uniquement motivée par une logique de réduction des coûts, mais par une approche équilibrée qui valorise l’humain et favorise la montée en compétences. Une IA au service de l’humain, et non l’inverse, pourrait ainsi devenir un levier d’amélioration des conditions de travail et de création d’emplois plus qualifiés et enrichissants.
Le CESE appelle à « intégrer l’IA dans le dialogue social » et demande au gouvernement d’œuvrer à nouer un « un accord national interprofessionnel sur les modalités de déploiement de l’IA dans les entreprises », négocié avec les syndicats.
En définitive, l’impact de l’intelligence artificielle sur
l’emploi dépendra des choix politiques, économiques et sociaux qui seront
faits aujourd’hui. Plutôt qu’un facteur de destruction massive d’emplois,
elle pourrait devenir un moteur de progrès et d’innovation, à condition
que son développement soit orienté vers une transition juste et inclusive.
Publié le 24 février 2025
Rédigé par Officiel Prévention
Sources :
Règlement
européen sur l'IA : Le règlement européen sur l’intelligence
artificielle (IA) est entré en vigueur le 1er août 2024. Il vise à
favoriser un développement et un déploiement responsables de
l’intelligence artificielle dans l’UE.
Plusieurs rapports et analyses récents se penchent sur les risques que
l'intelligence artificielle (IA) fait peser sur l'emploi. Voici une
sélection des principales publications sur le sujet :
Conseil économique, social et environnemental (CESE)
(janvier 2025)
Le CESE a publié un rapport étudiant les effets de l’IA sur le travail
et l’emploi : « Intelligence artificielle, travail et emploi :
co-construire un nouveau dialogue social est indispensable (analyse de
controverses) ». Il pointe notamment la vitesse de déploiement de
l'IA dans les entreprises en l’absence de concertation, et souligne que,
potentiellement, l'IA peut générer de la croissance et des emplois, mais
uniquement si elle est encadrée par les politiques et les institutions.
LaborIA Explorer (mai 2024)
Synthèse générale : « Étude des impacts de l’IA sur le travail ». Après
deux années d’enquêtes, le LaborIA Explorer a publié des résultats
inédits sur les interactions humain-machine et les enjeux
d'appropriation de l'IA dans le monde du travail. Le rapport formule des
recommandations pour une intégration harmonieuse de l'IA dans les
environnements professionnels.
Centre d'études de l'emploi et du travail (CEET)
(mars 2024)
Le CEET a publié un rapport intitulé « Le travail et l’emploi à l’épreuve de l’IA : État des
lieux et analyse critique de la littérature ». Ce document offre
une analyse nuancée des enjeux liés à l'introduction de
Rapport international sur la sécurité des systèmes
d'IA (2025)
Dirigé par Yoshua Bengio, ce rapport rassemble les contributions de 96
experts internationaux. Il identifie trois types de risques majeurs liés
au développement de l'IA :
• Utilisations malveillantes : détournement de l'IA à
des fins nuisibles.
• Dysfonctionnements : erreurs ou défaillances des
systèmes d'IA.
• Risques systémiques : impacts à grande échelle sur
les structures sociales et économiques.
Le rapport souligne également les désaccords et tensions entre experts
mondiaux concernant ces enjeux.
Ces rapports fournissent des analyses approfondies sur
les défis que l'IA pose au marché du travail et proposent des
recommandations pour anticiper et atténuer ses impacts négatifs.
Partagez et diffusez ce dossier
Laissez un commentaire
Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.