Dès
le début de l'intervention, il est apparu que
la pénibilité au travail ne concerne pas seulement
les postes de travail manuel du premier atelier ; mais aussi
l'atelier de production automatisé.
Dans
un premier temps, les observations et entretiens ont porté
sur les postes manuels. Une typologie de ces postes a été
dressée qui a fait apparaître des différences
selon l'ergonomie du poste de travail : amplitude
et répétitivité des gestes, nature
de la tâche et de l'effort à fournir,
cadence à respecter, variabilité des tâches,
l'expérience acquise dans le secteur, sur la
tâche… Par ailleurs, en cas de retard des approvisionnements,
on observe que les opératrices accroissent leur charge
de travail en allant chercher elles-mêmes le matériel
dont elles ont besoin. En d'autres termes, même
si le port de charge ne figure pas en tant que tel dans
la prescription de travail, il constitue l'un des
facteurs de pénibilité physique inhérents
à cette activité (écart entre le travail
prescrit et le travail réel).
Dans
un second temps, nous nous sommes intéressés
à l'atelier de production automatisée,
où apparaissent des contraintes liées au port
de charge (approvisionnement des trémies), mais surtout
au travail en équipe, à la gestion des pannes
aléatoires et à la charge mentale du travail
de surveillance du fonctionnement des machines en ligne.
Les
contraintes identifiées dans les deux ateliers, manuel
et automatique, sont ainsi à l'origine de deux
formes de pénibilités, l'une physique,
l'autre mentale.
Après
échange avec les opératrices, celles-ci évoquent
une troisième forme de pénibilité,
qui est de l'ordre du ressenti et qui est liée
aux horaires de travail (en continu pour le travail sur
machines, lesquelles ne s'arrêtent jamais),
aux perturbations des rythmes biologiques et de vie familiale
induits par le travail dans l'atelier automatique
pour certaines et par la généralisation des
horaires décalés dans l'atelier manuel
pour les autres.
A l'origine,
ce système de changements d'horaires de travail
a été mis en place sur la base du volontariat.
Le choix était laissé à la discrétion
des salariées. Celles qui ont opté pour ce
changement ont du même coup consenti à changer
d'atelier, les autres sont restées dans l'atelier
manuel. Pour celles-ci, la généralisation
des horaires décalés dans l'atelier
manuel a sans doute été vécue comme
une modification difficile à accepter des conditions
antérieures qui avaient justifié leur choix
; en conséquence le fait de rester dans l'atelier
manuel s'est accompagné d'une forme de
résistance à cette nouvelle donne et d'un
refus délibéré de coopérer.
C'est la superposition de cet ensemble de facteurs
qui explique sans doute le fait qu'il y ait dans le
secteur manuel une sur-représentation de salariées
vieillissantes et en situation de restriction d'aptitude.