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Match performance contre amélioration continue ?
« La performance EHS vaut mieux qu'une tiède amélioration continue ». Comment réveiller les consciences, transformer en profondeur les pratiques pour mettre en place de vrais indicateurs, une vraie culture et améliorer réellement la maîtrise des risques et les performances associées sur le terrain ? Un tour d'horizon très complet avec Raoul Textoris, manager EHS de la direction des services groupe de L'Oréal.
Raoul Textoris a plus de 20 ans d'expérience en recherche, production, ingénierie et EHS, principalement au sein du groupe L'Oréal. Il a occupé des postes au niveau opérationnel et corporate (adjoint du directeur EHS Monde), notamment pour les opérations industrielles et logistiques. Il a désormais en charge le déploiement de la politique EHS corporate au sein des campus administratif, technique et de recherche de la direction des services groupe. Il a en particulier créé et développé des programmes de formation EHS internationaux pour les experts EHS et les managers du groupe. Il intervient dans le cadre du mastère Risques industriels des Mines ParisTech (MRI) et à l'executive mastère spécialisé Facteurs humains et organisationnels du management de la sécurité industrielle de l'ESCP Europe/Mines ParisTech/ICSI.
Quels sont les enjeux liés à la maîtrise de la santé et de la sécurité dans le monde du travail ?
C'est un enjeu mondial tant pour les entreprises que pour l'ensemble des acteurs socio-économiques et les États.
Les estimations du Bureau international du travail et de l'Organisation mondiale de la santé dénombrent 2 millions de morts par an au travail dans le monde (soit environ 1 mort toutes les 20 secondes) dont 1,7 million lié à des maladies professionnelles et 300 000 à la suite d'accidents (auxquels se rajoutent 268 millions d'accidents avec arrêt supérieur à 3 jours).
En comparaison, les pertes militaires enregistrées pendant la Première Guerre mondiale étaient de 2 millions de morts par an, ce qui équivaut aux morts au travail chaque année dans le monde.
Au-delà de tous les enjeux humains et éthiques, le poids économique des morts au travail, estimé à 1 250 milliards de dollars, soit 4 % du PIB mondial, est également considérable.
Il s'agit donc bien d'un enjeu à traiter au niveau global, que l'on soit riche ou pauvre. Hubert Curien aimait à dire que dans les pays industrialisés, la technologie et l'innovation représentaient souvent pour l'opinion un risque (c'est le « diable ») alors que pour les pays émergents c'est une opportunité souvent vitale. Chaque État doit se construire. Il faut cependant plus de solidarité, d'effort partagé et d'équité dans les échanges, tout en réduisant les risques à la source. À ce titre, malgré sa complexité, le règlement européen REACH montre l'exemple et établit une nouvelle dynamique dans ce domaine qui devrait nécessairement être étendu à tous les pays pour généraliser les mesures de prévention et ne pas déplacer les risques et les accidents associés dans les zones du monde moins économiquement avancées.
Les chiffres globaux traduisent une très grande disparité entre les différentes régions du monde. Les estimations sur les accidents mortels chaque année au travail indiquent : 5 500 aux États-Unis, 100 000 en Chine, 6 000 en Russie, 40 000 en Amérique du Sud...
Tout cela est encore trop. « On ne doit pas perdre sa vie pour la gagner » (Francis Pétouille). Cette primauté de la sécurité doit être considérée comme une valeur partagée et un principe fondamental.
En comparaison des statistiques mondiales d'accidents, que pensez-vous de l'objectif de plus en plus souvent affi ché par certaines entreprises concernant le « zéro accident » ?
C'est souvent la traduction de la réglementation ; en France l'employeur a ainsi une obligation de résultat en matière de sécurité. J'avais déjà eu l'occasion d'indiquer dans vos colonnes1 les limites liées à certaines pratiques, notamment l'utilisation de certains indicateurs sans toutes les précautions nécessaires. Le « zéro accident » traduit souvent un aspect extrêmement positif, une motivation et une conviction pour mettre en oeuvre un système de valeurs et atteindre de grands niveaux de performance. Cependant, il faut être attentif aux biais que peuvent engendrer de tels concepts et éviter les pièges qui en découlent. On se rappelle le programme « better, faster, cheaper » lancé par la NASA, considéré comme faisant partie des causes liées aux accidents des navettes Challenger et Columbia. Toute action présente un caractère multiforme et la complexité de certaines activités doit générer des analyses des biais potentiels à anticiper et à corriger. Il faut s'efforcer de garder un esprit critique, évidemment orienté dans le sens de l'action, en n'oubliant jamais que « ne pas prendre une décision est une décision ».
L'exemple de la catastrophe de la raffi nerie de BP à Texas City est selon vous particulièrement démonstratif.
L'accident de la raffinerie au Texas le 23 mars 2005 (15 morts, 170 blessés, 700 millions de dollars à titre de réparations versées aux victimes, 21,3 millions liés aux non-conformités réglementaires en termes de santé sécurité, auxquelles s'ajoutent les réparations en matière d'environnement) me paraît exemplaire à plus d'un titre. Le rapport d'enquête Baker (janvier 2007) débute ainsi : « Other companies and their stakeholders can benefit from our work. We urge these companies to regularly and thoroughly evaluate their safety culture ». À la suite de cet accident et suivant les conclusions des différents rapports, BP a lancé des programmes se concentrant sur le leadership et la politique relative au process safety management (PSM) et programmé d'investir 1 milliard de dollars sur 5 ans dans la raffinerie. Le groupe a aussi internalisé certaines activités techniques qui avaient été soustraitées pour renforcer l'expertise interne. Se pose ici encore une question classique : pouvait-on prévoir ce type d'accident notamment à partir de certains indicateurs ?
Le rapport Baker mentionne : « The literature also suggests, and the panel believes that the presence of an effective personal safety management system does not ensure the presence of an effective process safety management system. As discussed elsewhere in this report, BP's personal injury rates were not predictive of process safety performance at BP's five US refineries ». Citons également : « BP has emphasized personal safety in recent years and has achieved significant improvement in personal safety performance, but BP did not emphasize process safety. BP mistakenly interpreting improving personal injury rates as an indication of acceptable process safety performance at its US refineries.
BP's reliance on this data, combined with inadequate process safety understanding, created a false sense of confidence that BP was properly addressing safety risks.
The panel further found that process safety leadership appeared to have suffered as a result of high turnover of refinery plant managers ». Huit directeurs d'usine s'étaient succédé en six ans sur ce site comptant 1 800 personnels BP et 2 000 sous-traitants. BP avait pourtant lancé des programmes pour améliorer le comportement et renforcer la vigilance vis-à-vis des risques, ce qui avait permis d'améliorer le taux de fréquence des accidents de 70 %. En se référant uniquement à cet indicateur, on pouvait en toute bonne foi avoir l'impression d'améliorer la situation.
Si le taux de fréquence est pertinent pour mesurer certaines situations, il ne l'est pas dans d'autres...
Les indicateurs n'étaient donc pas les « bons » ?
Le taux de fréquence des accidents du travail ne reflète pas la maîtrise de la performance au niveau de la gestion des risques d'accidents majeurs, voire de certains risques spécifiques. Ce n'est pas parce que l'on tient la rampe en descendant un escalier près d'une cuve de solvant que cette dernière ne va pas exploser, comme le rappelle Andrew Hale, mais encore une fois, on peut se tromper de bonne foi. Il est bien entendu qu'il faut faire les deux : tenir la rampe et gérer les aspects « process ». Il faut donc toujours essayer de considérer d'autres aspects que ceux liés directement à la sécurité car ils sont également le reflet de l'organisation et pourraient constituer des signaux faibles. Ainsi, le programme d'amélioration de la vigilance vis-à-vis des risques avait été lancé alors que certains opérateurs accomplissaient plus de 30 postes de 12 heures consécutives.
Cela pose la question de la cohérence globale.
De plus, 300 non-conformités réglementaires sur les installations ont été identifiées à la suite des différentes enquêtes et l'on rappelle qu'il y avait eu deux accidents mortels l'année précédente (2004) dans la raffinerie.
Vous parlez de détection de signaux faibles. N'y en avait-il pas ?
On pourrait peut-être d'abord se demander si l'on est capable de voir les signaux forts. Le rapport Baker (il en existe d'autres, par exemple le rapport Mogford) met en avant plusieurs causes importantes, notamment : le manque de maintenance, le défaut de process safety management (ou PSM, c'est-à-dire la gestion de la sécurité des procédés et l'expertise associée).
Ces causes ne font pas forcément partie des différents reporting alors que c'est souvent le cas pour le taux de fréquence.
Qu'a montré l'analyse des indicateurs « classiques » dans le cas Texas City ?
Sur la période 1999-2009, les données sont disponibles sur le site Internet de BP. On peut à ce titre saluer la mise à disposition d'un grand nombre de données et de commentaires associés. On peut noter que sur la période 2001-2004 (quatre ans avant l'accident) et 2006-2009 (quatre ans après l'accident), le nombre de morts (personnel BP et sous-traitants) diminue de manière très importante et passe de 60 à 37. Ce qui résulte très certainement d'actions spécifiques au niveau des risques concernés. Si l'on veut réduire les risques ayant un potentiel de gravité important pouvant entraîner la mort ou des séquelles graves, il faut agir sur les causes spécifiques à ces risques (et pas « uniquement » sur celles qui impactent les taux de fréquence).
D'une manière générale, à quoi tient le « succès » du taux de fréquence ?
La réglementation, en France comme aux États-Unis (par exemple, le formulaire OSHA 300), impose de publier le taux de fréquence. Étant obligatoire, il est normalement disponible. Cet indicateur est ainsi conservé et souvent utilisé (cas classique de biais d'ancrage) comme l'indicateur phare voire « absolu » pour mesurer la performance, se « benchmarker » entre entreprises et servir à définir des objectifs et des politiques fondées sur le zéro accident. Alors que cet indicateur est pertinent pour mesurer certaines situations, il ne l'est pas dans d'autres (par exemple, au niveau du PSM) ; sur le plan statistique, il peut même devenir non significatif (lorsque les valeurs sont faibles) alors que ceux qui l'utilisent peuvent avoir beaucoup de bonnes intentions et une forte motivation initiale. Il faut prendre un peu de recul et analyser le fonctionnement des organisations d'une manière plus large.
Souvent, les entreprises fixent un système d'objectifs annuels avec des améliorations d'une année sur l'autre. Un important travail d'analyse permet de s'assurer de la pertinence et de la cohérence des indicateurs retenus d'une année sur l'autre : ce qui est amélioré d'une année sur l'autre est-il toujours cohérent avec le long terme ? Le taux de fréquence peut être amélioré par exemple par des programmes sur le « comportement » qui ont une utilité, mais dont il faut bien préciser le cadre et donc les limites.
Quels sont les risques ?
Si l'on n'y prend pas garde, il est possible d'améliorer d'une année sur l'autre le taux de fréquence en améliorant par exemple certains aspects liés au « comportement » et la vigilance, tout en réduisant les budgets annuels de maintenance, de formation ou des expertises spécifiques qui sont indispensables pour la performance future, voire la pérennité de l'activité.
Ce phénomène doit être pris en compte, particulièrement dans la gestion du turnover des managers.
Un turnover excessif peut biaiser le système, la volonté d'obtenir des résultats rapidement peut ainsi favoriser à l'excès le court terme par rapport à des actions de fond indispensables. Le système de fixation des objectifs annuels doit tenir compte de cela dans une cohérence globale et une vision sur la durée. Travailler sur la santé et l'ergonomie est un cas classique : éviter aujourd'hui des situations problématiques qui sinon engendreront des difficultés dans le futur (quand les managers auront probablement changé) en précisant bien ce que l'on considère par « ergonomie ».
L'entreprise se doit d'assurer cette cohérence à court et long terme en ne les opposant bien sûr pas : les deux sont indispensables et se nourrissent mutuellement.
Quels chemins suivre afin de progresser en la matière ?
Encore une fois, un promeneur marchant le long d'une voie de chemin de fer en ne se souciant que d'éviter de buter sur la traverse pour ne pas chuter et se cogner la tête ne sera pas forcément vigilant au train qui va immanquablement finir par arriver et dont les conséquences ne seront pas les mêmes. La maîtrise des risques doit être globale en mettant l'accent, tel que le demande par ailleurs la réglementation, sur la hiérarchisation des risques. Quand des entreprises sont motivées par l'amélioration des performances EHS, il faut définir les bons indicateurs car les dirigeants déploieront ensuite tout leur leadership et leur poids dans les axes ainsi définis.
Rappelons les propos du prix Nobel d'économie Herbert Simon : « la ressource rare n'est pas l'information mais l'attention des acteurs ». Quand l'attention des dirigeants se porte sur l'EHS, il faut être pertinent dans les indicateurs retenus pour mesurer l'efficacité de leur politique (un indicateur ne donne qu'une indication...). Il faut toujours essayer d'avoir un regard critique, c'est-à-dire se poser les bonnes questions et comprendre pour ensuite agir dans la bonne direction. Comme le disait Deming, « best efforts are not enough, you have to know where to go ».
Vous vous êtes aussi intéressé au constructeur automobile Toyota. Quels enseignements en avez-vous tirés ?
L'analyse de la politique EHS de Toyota est particulièrement intéressante. Tout d'abord, les efforts en matière de sécurité concernent la sécurité liée aux véhicules, ce qui paraît on ne peut plus pertinent. De la même manière, en matière environnementale, un fort accent est mis sur la réduction des émissions de CO2 de ces mêmes véhicules. La santé et la sécurité au travail ne sont pas en reste, puisque la porte d'entrée de tout métier est prioritairement la sécurité : « safe work is the door to all work. Let us pass through this door ».
Le « Stop-6 programme » est ainsi une démarche lancée pour prévenir les six types d'accident identifiés par Toyota comme pouvant conduire à des accidents mortels ou des blessures graves : « Caught in machine – Contact with heavy object – Contact with vehicles – Fall – Electrocution – Contact with heated object ».
Tout l'intérêt de ce programme est de mettre en avant une ambition visant à maîtriser les risques identifiés comme ayant le potentiel de gravité le plus important.
Même s'il faut prévenir tout type d'accident, il est important, comme on a pu le voir dans le cas de BP, de bien identifier le principal risque pour son activité et, rappelons-le, de hiérarchiser les risques.
En matière de culture de sécurité, où en est l'entreprise nippone ?
Alors que Toyota a développé de nombreuses méthodes et démarches depuis des décennies pour améliorer la qualité et la performance globale, l'entreprise n'a démarré que très récemment (2008) un programme sur la culture sécurité (« 2008 first year of Toyota's approach to cultivating a safety-oriented culture »). La démarche repose sur trois piliers :
- Improving the system for « independent » or « interdependent » type safety culture where the workplace takes initiative for safety and health
- Promoting the OHSMS system continuously and thoroughly
– Creating a structure for global implementation.
Cette démarche a permis d'enregistrer certaines améliorations des indicateurs : le nombre total d'accident a baissé de 40 % la première année, le taux de fréquence des accidents avec arrêt de 28 % et le « Stop 6-type accident » a baissé de 35 %.
Cette tendance est-elle généralisée au Japon ?
J'ai étudié les entreprises japonaises du Topix 100, un indice boursier complémentaire du célèbre Nikkei. En considérant les moyennes nationales, on note que le taux de fréquence des accidents avec arrêt pour toutes les industries japonaises est de 1,83 en 2007 (taux correspondant à 1 million d'heures travaillées).
Par exemple, le taux de fréquence de Sony (en millions d'heures travaillées) des accidents avec arrêt est de 0,13 en 2008. On note même que Fujifilm indique des taux de fréquence et de gravité égaux à 0 en 2008.
Les indicateurs doivent toujours être accompagnés d'une analyse circonstanciée
Comment expliquez-vous de si bons résultats ?
Les actions de prévention peuvent bien sûr expliquer ces résultats. Mais envisageons un instant d'autres hypothèses : la plupart des corporate reports de ces grandes entreprises japonaises mentionne une politique de lutte contre les horaires excessifs (overtime), incitant les salariés à partir le soir avant 20 heures. Là n'est-elle pas l'une des explications aux valeurs très faibles des taux de fréquence et de gravité des entreprises japonaises ? Si les personnels ont du mal à s'arrêter de travailler le soir, ils ont peut-être également du mal à s'arrêter à la suite de certains accidents ? Encore une fois, les indicateurs doivent toujours être accompagnés d'une analyse circonstanciée.
Le cas de Johnson & Johnson a aussi retenu votre intérêt. Pourquoi ?
L'analyse de la politique EHS de Johnson & Johnson permet également de tirer certains enseignements.
C'est une entreprise américaine d'environ 100 000 collaborateurs dans le milieu pharmaceutique et du soin.
Elle a remporté en 2005, le fameux Campbell Award, prix américain qui reconnaît une excellence en matière de politique et de performances EHS. Je retiens ici l'incroyable implication du top management dans la mise en oeuvre de la politique EHS. Le wolrdwide chairman est ainsi le champion de la sécurité machine, de l'ergonomie et des initiatives sur la sécurité routière ainsi que les campagnes « safe decisions for life ». Il préside aussi le « J&J Health and Safety leadership team ». Le « vice president and general counsel » parraine le programme « Healthy People ».
Le vice chairman of the board of directors, chief financial officer est quant à lui le parrain du programme environnement. Enfin, le vice president of the operations est le parrain de la sécurité notamment pour le comportement au travail.
Il est également intéressant de noter que, lorsque l'on analyse les différents rapports annuels de J&J, il est difficile de trouver trace des résultats en terme de taux de fréquence, mais que l'accent est mis principalement sur les programmes de prévention.
Pensez-vous qu'un prix d'excellence apporte quelque chose ?
Les prix sont importants, de même que les associations professionnelles. Les États-Unis disposent d'une association des ingénieurs en sécurité depuis 1912. Cela permet de structurer des corps de métiers, de promouvoir des fonctions et d'assurer et faire évoluer des formations de qualité. On peut à ce titre mentionner en France le prix Paul Biro créé en octobre 2009 qui récompense désormais chaque année un lauréat ayant contribué de façon éminente, par ses travaux d'enseignement et de recherche, à l'avancement des sciences et des techniques dans les domaines de la prévention et de la lutte contre l'incendie. Bien évidemment, nous sommes bien loin de ce qui se fait aux États-Unis, mais il s'agit là d'un début encourageant. Notre communauté de préventeurs aurait grand besoin de se retrouver et d'échanger dans une ambition de progrès.
Quelles conclusions ? quelles voies d'amélioration ?
Beaucoup d'efforts restent à accomplir dans tous les secteurs pour améliorer la maîtrise des risques, dans les pays développés ou émergents. Les États ont un rôle important en matière législative aussi bien qu'éducative.
De même, les entreprises – notamment les plus importantes –, à travers la dimension Responsabilité sociétale, doivent être des leaders et montrer l'exemple.
Les grandes entreprises doivent améliorer la maîtrise des risques notamment vis-à-vis des « entreprises extérieures » (qui sont souvent des PME représentant par ailleurs une richesse et un potentiel de développement local dans tous les pays) et renforcer l'émergence de cultures croisées entre managers et experts. Il faut en effet viser une gestion plus intégrée des démarches EHS qui laisse à chacun l'opportunité de débattre pour comprendre, s'approprier et être contributeur en termes de performance. La coopération doit être encouragée et valorisée ; de même, le travail en équipe pourrait améliorer la transparence et la visibilité des signaux faibles.
L'exemple doit venir d'en haut et l'implication concrète des membres des « Comex » dans les programmes EHS, y compris sur le terrain, est fondamentale.
Il faudrait peut-être aussi considérer la boucle PDCA (plan, do, check, act) de l'amélioration continue complètement différemment. Les différents acteurs sont en général motivés et réalisent un travail de qualité en management des risques. Mais le A (la revue de direction, c'est-à-dire le bouclage, la prise de recul et la décision) devrait aussi permettre de « secouer le cocotier » alors que c'est souvent un ventre mou qui entérine le reste. Même si, rappelons- le, encore les acteurs agissent de bonne foi et visent vraiment l'amélioration. Cette étape pourrait permettre plus souvent, selon la maturité de l'organisation, une remise à zéro, une sorte de « révolution organisée » pour ne pas « s'endormir » et ne pas laisser l'opportunité à des événements plus graves de changer radicalement le cours de l'entreprise et donc se donner une chance d'anticiper. L'histoire montre que les sociétés humaines progressent à travers les crises, ce qui doit nous faire réfléchir au concept même d'amélioration continue. Une équipe qui gagne, y compris dans le sport, c'est une équipe qui s'est transcendée. Plus qu'une « amélioration continue », c'est peut-être vers une continuité métamorphosée, tel que le souligne Boris Cyrulnik à propos de la chenille qui se transforme en papillon, qu'il faut porter son regard.
Osons plus et sortons des sentiers battus... afin de trouver la voie !
Il faut peut-être aussi s'attacher plus au fond des sujets, à la rigueur et aux efforts associés, car si l'on n'y prend pas garde, la forme pourrait l'emporter sur le fond de manière exagérée en ne privilégiant que les aspects superficiels. Encore une fois, il n'y a pas d'opposition de principe : ce n'est pas l'un ou l'autre, ce devrait être l'un et l'autre. À ce titre, de nombreux professionnels font référence à différents rapports sur des accidents connus et médiatisés – mais combien ont réellement lu le rapport Baker ?
1. « Taux de fréquence et taux de gravité sont les vrais faux amis de la mesure de la performance SSE », RSE n° 2.
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