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Le bien-être au travail est devenu un sujet majeur de gestion des ressources humaines à mesure que, dans les entreprises, on assiste à une hausse constante de la fréquence et de l’intensité des facteurs de stress provoquée par certaines méthodes de management qui nuisent à la fois à la santé des travailleurs et à l’efficacité de l’entreprise. L’attention portée à la souffrance au travail s’est ainsi accrue...
Le bien-être au travail est devenu un sujet majeur de gestion des ressources humaines à mesure que, dans les entreprises, on assiste à une hausse constante de la fréquence et de l’intensité des facteurs de stress provoquée par certaines méthodes de management qui nuisent à la fois à la santé des travailleurs et à l’efficacité de l’entreprise. L’attention portée à la souffrance au travail s’est ainsi accrue, sous la pression grandissante des salariés, des pouvoirs publics et de l’impact sur l’image de marque dans l’opinion d’une médiatisation négative (suicides au travail etc.).
Comme dans toutes les actions d’amélioration continue, celles liées au bien-être au travail se composent d'une séquence logique en quatre phases réitérées (cycle PDCA), chacune entraînant l'autre, visant à établir un cercle vertueux :
- Préparer : Analyser l’état des lieux, fixer une ambition d’amélioration, planifier le changement,
- Développer : Affecter les ressources nécessaires, mettre en œuvre le plan,
- Contrôler : Mettre en place les indicateurs et tableaux de bord, auditer et étudier les résultats,
- Ajuster : Prendre les mesures qui permettent de réaliser les corrections et améliorations.
Le bien-être au travail des salariés est évidemment une notion assez subjective et pourtant les phases d’évaluation et de contrôle supposent que l’on dispose d’outils de mesure et d’indicateurs.
La multitude d'expérimentations et de pratiques empiriques en entreprise, s’accordent pour conclure que le bien-être au travail est basée sur toute une série de conditions de travail favorables assez facilement mesurables (telles les conditions matérielles) qui sont nécessaires mais largement insuffisantes, car des composantes psychologiques sont tout aussi importantes : le bien-être au travail est fonction de nombreux facteurs relatifs à la charge mentale endurée lors de l’activité professionnelle et aux pressions psychologiques liées aux comportements de la hiérarchie et à la gestion des relations avec les collègues et les tiers, qui ont une grande influence sur la perception du bien-être au travail des salariés.
La démarche d’amélioration de bien-être au travail nécessite donc de disposer d’indicateurs de gestion des ressources humaines et de santé au travail, mais aussi d’indicateurs de perception des salariés de leur bien-être au travail et de climat social …
De nombreux cabinets de conseil ont mis en œuvre plusieurs types de baromètres de bien-être au travail et certains proposent de calculer un indice composite (qui agrège plusieurs ratios en les pondérant de façon différenciée) pour obtenir une évaluation globale donnant une note générale de qualité de vie au travail (QVT).
De nouvelles fonctions apparaissent comme responsable du bien-être corporate (Chief Happiness Officer ou Well-being Manager), chargé de piloter l’amélioration de la qualité de vie au travail (QVT). Ceci souligne bien les liens indissociables entre le bien-être perçu collectivement et individuellement au travail et la performance des organisations ; et cela s’inscrit dans une vision encore plus large de la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE).
Le contexte théorique du bien-être au travail
L'approche et l'étude du bien-être au travail nécessite de disposer d'outils méthodologiques, avec la difficulté qu'il n'existe pas de méthodes de mesure directe ou indirecte de la satisfaction d'une façon globale et objective et que la définition du concept de bien-être au travail diffère selon les disciplines des experts, dont la psychologie, l'ergonomie, la sociologie et le comportement organisationnel.
Le bien-être au travail est une notion plus large que la qualité de vie au travail (plus objectivable), en y ajoutant des éléments subjectifs : la perception que chacun a de ses conditions de son travail et les émotions liées à l’expérience et au vécu de ses situations de travail.
L’Accord National Interprofessionnel (2013) inclut sa définition de la Qualité de Vie au Travail dans le “sentiment de bien-être au travail”.
- Les dimensions du bien-être au travail
Un état du bien-être peut se positionner sur trois dimensions : cognitive (état tiré de sa connaissance de l’environnement), hédonique (état lié à ses émotions positives et négatives), eudémonique (état lié au sentiment d'avoir une vie qui a du sens).
- Dimension cognitive : évaluation et appréciation de sa situation par rapport à celle des autres (dans et hors l’entreprise) et par rapport à ses souhaits et objectifs : rémunération et avantages sociaux, intensité et temps de travail, information et formation, validation des acquis, développement des compétences et progression dans le parcours professionnel, exposition aux risques professionnels, accès à des services au personnel ...
- Dimension hédonique : cadre de travail agréable ou désagréable, sentiment de sécurité ou d’insécurité professionnelle, jouissance ou non d'autonomie et de responsabilité dans son travail, plaisir ou déplaisir de l’appartenance à un groupe, impression ou non de lien et soutien social instrumental ou émotionnel du collectif de travail, bon ou mauvais esprit d’équipe …
- Dimension eudémonique : sentiment d'accomplissement et d’épanouissement personnel, bonne ou insuffisante reconnaissance de ses supérieurs et de ses pairs, fierté ou non d’appartenance à l’entreprise, sentiment d’alignement ou non avec les missions de l’entreprise, adhésions ou conflits de valeur et d’éthique de travail, obtention ou non de sens à son investissement personnel et à son engagement professionnel, sentiment de se sentir socialement utile ou inutile. Exemple de positionnement d’une situation de travail (X) : - La théorie de Maslow considère que la motivation et la satisfaction au travail est suscitée par la volonté d’assouvir des besoins au travail.
D'après l’analyse de Maslow (complétée avec celle de Siegrist sur la reconnaissance reçue), l'individu cherche à répondre à des besoins selon une hiérarchie : une fois qu'un besoin est satisfait, l'individu souhaite satisfaire le besoin immédiatement supérieur dans la hiérarchie, jusqu'à ce qu'il parvienne au dernier niveau, celui de l'accomplissement personnel.
Cette hiérarchie est souvent présentée sous forme d'une pyramide, avec de haut en bas :
- Besoins d'accomplissement personnel (réalisation de soi) : le sommet
- Besoins d'estime de soi et des autres (reconnaissance)
- Besoins sociaux (appartenance à un groupe)
- Besoins de sécurité (physique et mentale)
- Besoins physiologiques (conditions matérielles) : la base
La pyramide de Maslow permet de disposer d’une grille d’analyse intéressante pour évaluer le bien-être du personnel sur chacun des niveaux et pour décider des plans d’actions d’amélioration. Pour avoir des collaborateurs satisfaits, il est donc important d'examiner d'abord attentivement les conditions de travail matérielles (rémunération, charge de travail, hygiène et santé au travail …) qui peuvent nuire à la satisfaction et à la motivation au travail. Mais, si de bonnes conditions matérielles de travail améliorent fortement la productivité et la prévention des risques professionnels, elles sont loin d'être suffisantes pour une totale satisfaction au travail : l’amélioration des conditions matérielles (la base de la pyramide de Maslow) est un facteur de motivation minimal mais il y a des « facteurs de motivation » supérieurs qui sont : le sentiment d'accomplissement, la reconnaissance de ses supérieurs et de ses pairs, la progression individuelle, le contenu du travail adapté aux capacités et à la personnalité, la jouissance d'autonomie et de responsabilité au niveau de celle que l'on est capable d'assumer, le fort lien et soutien social du collectif de travail.
Pour chaque niveaux de la pyramide, il faut définir des indicateurs pertinents.
- Les modèles de Karasek, Theorell et Siegrist proposent trois axes d'analyse dont les croisements sont significatifs d'une situation de travail :
1) Les exigences de travail
qui correspondent au niveau de demande psychologique en quantité, complexité, durée et danger du travail à fournir : contraintes cognitives et temporelles, en y associant les tâches imprévues et/ou morcelées, les ordres contradictoires, les interruptions de tâches pour en effectuer d'autres plus urgentes, la dépendance vis-à-vis des autres, les risques physiques...
2) Le degré d'autonomie
qui correspond à la possibilité de choisir les modes opératoires et à la capacité à peser sur les décisions (latitude décisionnelle), à l'utilisation des compétences et qui mesure la possibilité d'épanouissement dans la réalisation de la tâche : liberté d'organisation, marges de manœuvre, diversité des tâches, développement des connaissances, des compétences, créativité...
3) Le soutien social, instrumental ou émotionnel, dont dispose le travailleur sur son lieu de travail, de la part des collègues et de la hiérarchie : soutien sur les aspects techniques comme la mise en œuvre d'une machine ou d'une procédure ou sur les aspects d'aide morale et de reconnaissance des efforts et des résultats. Le modèle effort / récompense de Siegrist stipule qu'un déséquilibre entre un effort consenti élevé et un faible niveau de récompense au travail (estime, promotion, augmentation de salaire...) est un facteur important de charge mentale.
En croisant les deux premières dimensions, on obtient la matrice de Karasek où les exigences du travail figurent en abscisse et le degré d'autonomie en ordonnée.
A l'intérieur de chaque situation de travail, vient s'ajouter l'intensité de soutien social qui module l'intensité de la charge mentale : une situation de forte tension psychique associée à un faible soutien social entraine des conditions de travail particulièrement stressantes, pour lesquelles des mesures de prévention urgentes et fortes pour éviter l'apparition de graves risques psychosociaux (accidents cardiovasculaires, dépressions...) doivent être prises, alors que c'est moins le cas si le soutien social est élevé.
La diagonale « Passivité – Activité » indique la capacité de développement personnel, et donc de bien-être et de satisfaction, offerts par le travail.
La diagonale « Faible – Forte tension psychique » indique le niveau de souffrance, donc d'insatisfaction et de souffrance, induites par le travail.
Ces méthodes permettent d'acquérir les connaissances et les capacités à combiner les schémas explicatifs des phénomènes de surcharge mentale, amenant une souffrance au travail.
Des réponses à des questionnaires d’évaluation collective (type scores de la méthode de Karasek) permettent de quantifier les différents critères retenus de bien-être au travail sur chaque axe.
- En résumé, l’Agence Nationale pour l'Amélioration des Conditions de Travail (ANACT) a retenu six dimensions individuelles déterminantes pour la qualité de vie au travail :
- relations sociales et professionnelles : reconnaissance du travail, respect, écoute, considération des collègues et de la hiérarchie, information, dialogue social et participation aux décisions ;
- contenu du travail : autonomie, variété des tâches, degré de responsabilité ;
- environnement physique du travail : sécurité, bruit, chaleur, éclairage, propreté, cadre spatial ;
- organisation du travail : qualité de la prescription du travail, capacité d'appui de l'organisation dans la résolution des dysfonctionnements, démarches de progrès organisationnel, pénibilité, charge de travail, prévention des risques professionnels ;
- réalisation et développement professionnel : rémunération, formation, validation des acquis, développement des compétences, sécurité des parcours professionnels ;
- conciliation entre vie au travail et vie hors travail : rythme et horaires de travail, vie familiale, accès aux services, loisirs, transports...
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Le baromètre du bien-être au travail
- Le contenu d’un baromètre du bien-être au travail.
Selon l’ANACT, la qualité de vie au travail (QVT) est « une démarche visant à combiner performance et bien-être des salariés ».
Différents indicateurs permettent d’apprécier le niveau de bien-être au travail des collaborateurs au sein de l’entreprise. Disposer de données factuelles RH est facile, comme le turn-over, le taux d’absentéisme, le taux de fréquence et de gravité des accidents du travail … ; d’autres, comme le sentiment d’appartenance ou la reconnaissance, sont plus difficiles à évaluer et nécessitent de mettre en place un questionnaire QVT, qui devient aussi une opportunité de dialogue avec les salariés, de manière anonyme et à fréquence régulière afin de mesurer les progressions. Il existe des questionnaires standards comme celui de l’ANACT (GPS : Une démarche pour mesurer la satisfaction des salariés) ou de l’INRS (SATIN : Outil d’investigation des conditions de travail et de la santé, NS 344).
Le questionnaire « Mesurer la satisfaction des salariés (GPS) » de l’ANACT est constitué d’une batterie de 33 questions fermées (administrées sur la base d’une échelle sémantique d’accord), de 4 à 6 questions de signalétique (adaptables à la structure) et d’une question ouverte couvrant les principaux thèmes de qualité de vie au travail. Il est structuré en 4 grandes parties : L’entreprise / L’établissement, Le relationnel, Le travail, L’avenir.
L’outil SATIN de l’INRS est un outil d'investigation des conditions de travail et de la santé (santé somatique, stress, risques psychosociaux, évaluation de l’environnement de travail), conçu pour s'insérer dans le cadre d'une politique de promotion du bien-être au travail et de prévention des risques psychosociaux. Le questionnaire SATIN comprend 86 questions et réparties en 6 différentes rubriques : questions d'identification, de santé perçue, d'exigences du travail et d'auto-évaluation des capacités, de perception et d'évaluation de l'environnement de travail, d'appréciation générale du travail.
On peut citer parmi les indicateurs de qualité de vie au travail (en fonction de l’âge, sexe, ancienneté…) :
- Taux de fréquence (TF) : nombre d’accidents avec arrêt de travail supérieur à un jour, survenus au cours d’une période annuelle pour un million d’heures travaillées (pour ne prendre en compte que les accidents liés au travail qui requièrent un traitement allant au-delà des premiers soins).
- Taux de gravité (TG) : nombre de journées indemnisées pour 1 000 heures travaillées (c’est-à-dire le nombre de journées perdues par incapacité temporaire pour 1 000 heures travaillées)
- Indice de fréquence (IF) : nombre d’accidents avec arrêt pour 1 000 salariés.
- Taux d’absentéisme hors congés légaux et conventionnels, durée des absences, motif des absences
- Turn-over
- Rythmes et horaires de travail, aménagement du temps de travail, anticipation de la charge de travail, temps partiel choisi
- Organisation des différents types de congés, prise en compte de la parentalité
- Accès à la formation, mobilité, promotion,…
- L’Employee Net Promoteur Score (ENPS) définit l’attachement des collaborateurs à l’entreprise : il se calcule sur base des réponses à la question : Sur une échelle de 0 à 10, quelle est la probabilité que vous recommandiez à un ami de travailler dans cette entreprise ?
- Etc. - La mise en place d’un baromètre du bien-être au travail.
En termes de crédibilité, de confiance et d’engagement des collaborateurs, une bonne préparation et information est indispensable ainsi qu’ une implication de toute l’organisation : constituer un groupe de travail pour bâtir et promouvoir un questionnaire adapté à la culture de l’entreprise et aux objectifs poursuivis, rassurer sur les conditions d’anonymat dans le dépouillement et le traitement des informations, prévoir les feedback et les types et modalités de restitutions.
De nombreux outils de diagnostic du bien-être au travail ont été développés par les cabinets de conseil RH :
- Les outils spécifiques à la santé au travail (par exemple : IBET « Indice du Bien-Être au Travail » de Mozart Consulting, MMS « Mesure Management Santé » de Malakoff Médéric), centrés sur les besoins primaires: absentéisme, arrêts de travail, maladies professionnelles, accidents du travail, risques physiques et psychologiques, …
- Les outils orientés sur les relations humaines entre les employés et avec le management, portant sur le climat social et le stress managérial et organisationnel : par exemple, le « European Social Label » élaboré par l’European Social Label Institute, comportant 20 questions sur 7 thèmes comme le degré de cohésion, perception des méthodes de management, perception du comportement de la direction, les relations collectives de travail.
Pour aller plus loin :
- Wellbeing and Society: Towards Quantification of the Co benefits of Wellbeing : Bien-être et société : vers une quantification des co-bénéfices du bien-être (Wellbeing Society, 2018, 27 pages)
- OFFICIEL PREVENTION : ORGANISATION ERGONOMIE > PSYCHOLOGIE DU TRAVAIL : L'amélioration de la qualité de vie au travail : https://www.officiel-prevention.com/dossier/protections-collectives-organisation-ergonomie/psychologie-du-travail/lamelioration-de-la-qualite-de-vie-au-travail
- OFFICIEL PREVENTION : ORGANISATION ERGONOMIE > PSYCHOLOGIE DU TRAVAIL : La prévention du mal-être au travail : burn-out, bore-out, brown-out : https://www.officiel-prevention.com/dossier/protections-collectives-organisation-ergonomie/psychologie-du-travail/la-prevention-du-mal-etre-au-travail-burn-out-bore-out-brown-out
- OFFICIEL PREVENTION : FORMATION CONSEILS > FORMATION CONTINUE À LA SÉCURITÉ > Conditions de travail et satisfaction au travail : https://www.officiel-prevention.com/dossier/formation/formation-continue-a-la-securite/conditions-de-travail-et-satisfaction-au-travail
Septembre 2021
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